La mise en place d’un réacteur de fusion nucléaire commercial est extrêmement compliquée. Les défis posés par une telle machine, tant du point de vue de la physique des plasmas que, surtout, du point de vue des solutions d’ingénierie nécessaires à sa réalisation, sont titanesques. C’est pourquoi nous ne disposons pas encore de réacteurs de fusion commerciaux. Toutes les machines disponibles sont des réacteurs expérimentaux, et leur objectif est donc de délivrer des connaissances.
Heureusement, les physiciens et les ingénieurs impliqués dans le développement de la fusion nucléaire disposent aujourd’hui d’outils plus nombreux que jamais. L’intelligence artificielle, les simulations informatiques et la robotique en font partie, mais il en est un qui passe souvent inaperçu et qui présente un grand potentiel : les systèmes de visualisation avancés qui leur permettent de recréer la dynamique du plasma en 3D afin d’acquérir de nouvelles connaissances.
Cette technologie est si précise qu’elle montre même l’usure des réacteurs.
EUROfusion, l’institution chargée de promouvoir et de soutenir la recherche scientifique nécessaire à la réalisation du projet européen de fusion nucléaire, a choisi le laboratoire EM+ (Muséologie expérimentale) de l’École polytechnique fédérale de Lausanne pour développer un système de visualisation 3D avancé capable de traiter de grandes quantités de données provenant de simulations et d’essais et de générer des graphiques en temps réel. Cette technologie est très utile non seulement pour acquérir de nouvelles connaissances sur la dynamique du plasma, mais aussi pour mieux comprendre son interaction avec les zones de la chambre à vide les plus exposées au plasma.
Le logiciel EM+ lab est prêt. Et il fournit aux scientifiques des images spectaculaires. En fait, les images que nous publions dans cet article ont été générées par ce système de visualisation 3D avancé. Grâce à cette technologie, les scientifiques spécialisés dans la fusion nucléaire comprennent déjà mieux les phénomènes quantiques qui se produisent en raison de l’interaction des particules contenues dans le plasma. Et le logiciel les aide à mieux comprendre les résultats de leurs calculs.
Ce logiciel d’imagerie 3D est d’une précision remarquable. En effet, il recrée l’intérieur d’un réacteur tokamak avec une fidélité étonnante. Il est si précis qu’il reflète même l’usure des tuiles de graphite qui tapissent les parois intérieures de la chambre à vide du réacteur. “Nous avons utilisé un robot pour scanner très précisément l’intérieur du réacteur, puis nous l’avons compilé pour recréer un modèle 3D qui reproduit même la texture de ses composants”, explique Samy Mannane, l’un des scientifiques du laboratoire EM+.
Pour créer leur simulation, les scientifiques du laboratoire EM+ utilisent des équations qui leur permettent de reproduire très précisément le mouvement des particules contenues dans le plasma à chaque instant. Réaliser tous les calculs en temps réel est un véritable défi. “Pour générer une seule image, le système doit calculer la trajectoire de milliers de particules qui se déplacent à une vitesse de 60 fois par seconde pour chaque œil”, explique M. Mannane. Le matériel nécessaire à cette tâche se compose de cinq ordinateurs, chacun équipé de deux GPU. Les images qu’ils génèrent sont transmises à autant de projecteurs 4K. Une chose est sûre : profiter de cette simulation en direct doit être spectaculaire.
Images | EPFL – EM+ Lab
Plus d’informations | EUROfusion